Vélo dans le tram, on en est où ?

Depuis le 21 décembre 2023, à l’occasion du lancement de la gratuité des transports en commun, la Métropole de Montpellier et la TAM ont interdit totalement la présence de vélos non pliés dans le tram. Prendre son vélo était jusque-là autorisé en dehors des heures de pointe. Cette décision, non concertée avec les associations d’usagers du vélo, va à l’encontre du développement de l’intermodalité tram-vélo, et elle contredit les engagements de Michaël Delafosse lors des élections municipales de 2020(1).

Notre association est intervenue dans les médias(2)(3)(4)(5)(6) pour signifier son désaccord avec une interdiction totale, qui assimile l’usage du vélo à une incivilité, alors qu’il faut au contraire faciliter l’intermodalité entre tram et vélo, dont l’emport du vélo dans le tram fait partie, notamment pour gommer des discontinuités cyclables encore nombreuses.
De multiples alternatives ménageant les besoins de tous les usagers du tram sont envisageables. Notre but n’est pas d’autoriser les vélos tout le temps et partout, mais de trouver un compromis intelligent.

Le président de la Métropole et sa vice-présidente déléguée au Transport et aux Mobilités

actives ont indiqué que cette interdiction serait révisable après 6 mois, le temps d’observer l’effet de la gratuité sur la fréquentation du tram.

Pendant ces 6 mois, nous avons :
  • rencontré la vice-présidente de la Métropole déléguée au Transport, Mobilités actives
  • rencontré l’association demandeuse de l’interdiction
  • effectué une veille des commentaires sur les médias papiers et les réseaux sociaux
  • lancé un questionnaire d’usage de l’emport des vélos dans le tram pour objectiver les problèmes et les besoins
  • relayé une pétition lancée par des usagers
  • présenté une synthèse et des pistes de solutions en comité de pilotage
  • rencontré des citoyens porteurs de handicap qui souffraient de cette interdiction
Tous nos efforts en soutien d’une meilleure solution, qui permette un accès équitable de tous et toutes au tram, ont été ignorés par la Métropole. Les 6 mois sont passés, et aucun aménagement du règlement TAM établi en décembre n’est envisagé à ce jour. 

Ci-dessous, vous trouverez en détail les actions engagées par Vélocité.
Ensemble, restons mobilisés ! 

Rencontre avec la vice-présidente déléguée au transport
À la demande de Vélocité, un entretien a eu lieu le 22 décembre 2023 avec Mme Frêche, vice-présidente de la Métropole déléguée au Transport et aux Mobilités actives, pour lui faire part de notre mécontentement (sur le fond comme sur la forme). Celle-ci nous a indiqué que cette interdiction serait révisable après 6 mois d’expérimentation, le temps d’observer l’effet de la gratuité sur la fréquentation du tram.


Rencontre avec l’association demandeuse de l’interdiction
L’interdiction répondait à une demande du Comité de Liaison et de Coordination des associations Pluriel Handicaps (CLCPH), en réponse à des témoignages de personnes handicapées gênées par des trottinettes et vélos dans le tram. Afin de mieux comprendre leur demande, nous avons rencontré le bureau de cette association, et avons effectué un trajet en tram avec une personne aveugle et une personne en fauteuil.

Ces rencontres nous ont permis de constater que les cyclistes et les personnes handicapées ont de nombreuses revendications communes : des espaces séparés pour les cyclistes et les piétons pour circuler sur la voie publique, et la suppression de rebords accidentogènes, pour n’en citer que deux. Elles nous ont aussi permis de constater, dans le tram, l’importance de l’accès facile à la tulipe pour les personnes aveugles, et à la place réservée pour les personnes en fauteuil. Nous avons appris que les personnes en fauteuil préfèrent entrer dans la voiture centrale de la rame de tram, plus souvent équipée de double-portes automatiques.

En cas de forte affluence, il arrive que les personnes en situation de handicap ne puissent
pas monter dans le tram, et ce phénomène est accentué par la présence de trottinettes, de vélos, de poussettes ou de valises volumineuses. Certains cyclistes et trottinettistes ne sont pas respectueux de ces usagères et usagers pour lesquels le tram est un moyen de déplacement critique.
Certains cyclistes mettaient leur vélo sur la place réservée aux usagères et usagers en fauteuil roulant, notamment dans la ligne 3. Or cette place réservée est très peu identifiable : aucune indication horizontale ou verticale, seulement un bouton bleu avec pictogramme fauteuil. Il est donc fort probable que ces cyclistes ignoraient l’ampleur de la gêne qu’ils créaient à cet endroit particulier.

Questionnaire d’usage de l’emport des vélos dans le tram
Vélocité a lancé un questionnaire, pour objectiver les raisons et circonstances qui poussent les cyclistes à mettre leur vélo dans le tram, alors qu’à première vue et comme on peut le lire sur les réseaux sociaux “En vélo on peut sans fatigue parcourir des kilomètres, d’autant qu’à Montpellier il n’y ni côte ni mauvais temps”, ou “ils ont choisi le vélo, qu’ils pédalent”.
Avec plusieurs centaines de réponses au questionnaire, dont beaucoup de non adhérents à Vélocité, nous avons appris que :
  • la plupart des répondants y ont recours exceptionnellement
  • ce recours est légèrement plus fréquent en déplacement utilitaire qu’en déplacement loisir
  • les raisons d’emport du vélo dans le tram sont : les pannes / crevaisons, la distance, la météo, la fatigue, le gain de temps, le manque de visibilité, l’absence de continuité cyclable sécurisée, le manque de stationnement sécurisé à la station de tram, et la sécurité (harcèlement de rue le soir).
Le questionnaire a révélé qu’une partie des personnes qui mettent leur vélo dans le tram
sont porteuses d’un handicap invisible. L’interdiction totale de l’emport des vélos dans le
tram ayant été mise en place pour favoriser le déplacement des personnes en situation de
handicap, on aboutit à un non-sens. Un usager en fauteuil roulant a d’ailleurs exprimé dans la presse être contre cette interdiction “à la fois excessive, irréfléchie et stigmatisante pour les personnes handicapées.”

Pétition lancée par des usagers 
Vélocité a relayé une pétition lancée par des cyclistes utilisant le tram. Sans effort particulier de relai médiatique, cette pétition a atteint près de 2000 signatures(7).

Comité de pilotage vélo
Le 30 mai 2024, la Métropole a tenu un comité de pilotage vélo et l’emport des vélos dans le tram était à l’ordre du jour. Nous avons donc partagé ces informations avec les élus, dont plusieurs témoignages poignants, et évoqué des pistes d’évolution du règlement :
  • Autoriser les vélos dans certaines voitures, comme à Toulouse et à Lyon
  • Les autoriser en cas de problème technique, comme à Strasbourg
  • Limiter le nombre de vélos par voiture ou par rame, comme à Lyon, Strasbourg, Lille
  • Les autoriser quand l’affluence le permet
  • Les autoriser en bout de rame, hors hypercentre
  • Les autoriser sous réserve de ne pas gêner les voyageurs et de tenir l’espace devant les portes dégagé, comme à Grenoble
  • Les interdire à certaines stations, comme à Lille (station Gare Lille Flandres)

De nombreuses villes définissent des plages horaires de pointe pendant lesquelles les vélos sont interdits dans le tram. La Métropole de Montpellier considère que la notion d’heures de pointe n’est pas pertinente, notamment depuis la mise en place de la gratuité des transports en commun. Et pourtant, tôt le matin, tard le soir, ou en weekend, beaucoup de rames pourraient accueillir des vélos sans que les rares autres voyageurs soient gênés.

La Métropole affirme qu’une tolérance est appliquée par les contrôleurs en cas de panne ou avec de jeunes enfants. D’une part, c’est faux, nous avons par exemple le témoignage d’une cycliste à qui on a volé la selle, et qui s’est faite sortir du tram par un contrôleur qui lui a lancé “on vous a pas volé les pédales”. D’autre part, les personnes qui ont besoin d’emporter parfois leur vélo dans le tram sont souvent celles qui respectent les règles; elles choisiront donc de prendre leur voiture individuelle plutôt que de braver l’interdiction.

En complément de l’évolution des règles TAM d’emport des vélos dans le tram, nous avons fait d’autres propositions :
  • mener des actions de sensibilisation auprès des cyclistes
  • améliorer l’information des voyageurs par un affichage dans la rame et en station
  • équiper les rames d’un voyant “vert/rouge” pour les vélos, en fonction de l’affluence de la rame

Toutes ces propositions sont restées lettre morte. Ce comité de pilotage n’a servi à rien. Nous ne sommes pas écoutés. Il n’y a aucune concertation.

Par ailleurs, la métropole a commandé 77 rames de tramway pour les années à venir. Nous avons demandé à ce que la question de l’intermodalité soit prise en compte avant leur livraison: il existe des solutions qui ne remettent pas en cause la conception de ces rames et qui permettraient une cohabitation sereine entre personnes à mobilité réduite et cyclistes dès leur mise en service.

La situation actuelle n’est pas acceptable
L’interdiction totale et sans discernement est en complète contradiction avec la nécessité
d’encourager les modes de déplacement actifs et l’intermodalité, pour diminuer la place de la voiture individuelle dans l’espace public (qualité de l’air, exercice physique, fluidité du
trafic). Nous avons déjà plusieurs témoignages de personnes qui ont abandonné le vélo et
repris la voiture pour certains trajets, à cause de cette interdiction.
Cette interdiction est en contradiction avec l’objectif affiché de la ville de transformer les
mobilités dans la métropole. Elle pénalise particulièrement les personnes habitant ou se
rendant loin du centre-ville. Elle est d’autant plus incompréhensible, que l’objectif
d’aménager des itinéraires cyclables en parallèle des lignes de tramway n’est pas rempli, à plusieurs endroits de la métropole.
L’interdiction totale n’a pas supprimé la présence des vélos dans le tram. Les cyclistes bravent l’interdiction, car il y a un besoin réel. Prenons en compte ce besoin, ainsi que les besoins des autres voyageurs, sans stigmatiser les cyclistes, en trouvant un règlement plus souple qu’une interdiction totale, puis faisons appliquer ce règlement, et engageons des actions de pédagogie.

Ensemble, nous pouvons améliorer la cohabitation des différents usagères et usagers du tram.

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“Vélos, Bienvenus à bord !” à Lyon